Loi sur l’identité numérique : une menace pour la vie privée ?
Une analyse critique du projet fédéral d'identité numérique centralisée.
POLITIQUE NATIONALE
Par Claire Monney – Correspondante politique
5/6/20252 min read


Depuis l’annonce du projet fédéral d’identité numérique centralisée, le Conseil fédéral vante un « saut technologique » censé simplifier les démarches en ligne pour citoyens et entreprises. Pourtant, derrière cette promesse d’efficacité se dessine un risque majeur pour la protection des données personnelles et la souveraineté numérique de la Suisse.
Un cadre légal flou
La loi prévoit la création d’une autorité unique, chargée d’émettre et de vérifier les identifiants électroniques. Or, le texte ne précise pas suffisamment les garanties de séparation des pouvoirs entre l’État et les prestataires privés mandatés. Tant le SPD que l’UDC ont déjà exprimé leurs doutes : si un seul organe détient l’historique complet des usages, qui contrôle réellement l’accès et la suppression des données ?
Centralisation versus fragmentation
Les défenseurs du projet estiment que la centralisation évitera la prolifération de plateformes non sécurisées. Mais à l’heure où les cyberattaques se multiplient, concentrer les informations sensibles (état civil, dossiers fiscaux, certificats de santé) crée un « point de rupture unique » : en cas de faille, c’est tout le système qui devient vulnérable. À Bruxelles, où un modèle similaire a été mis en place, la Commission européenne a dû renforcer les contrôles après plusieurs incidents de piratage, illustrant la difficulté à maitriser une solution holistique.
La question de la confiance
Les sondages internes du Département fédéral de justice montrent que 68 % des Suisses craignent une exploitation abusive de leurs données, notamment par des acteurs commerciaux ou étrangers. Le vote pourra-t-il s’appuyer sur un amendement garantissant la transférabilité des informations vers des registres cantonaux en cas de dysfonctionnement ? Les députés PLR ont déjà déposé une motion en ce sens, soutenue par le PDC, mais la majorité rose-verte y est pour l’instant réfractaire.
Vers un compromis ?
Lors de l’audience publique du 14 mai, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga devra démontrer que le projet n’est pas un cheval de Troie pour la surveillance de masse, mais un outil au service du citoyen. La conférence à Berne réunira représentants des cantons, experts en cybersécurité et ONG de défense des libertés. L’enjeu est double : préserver la compétitivité suisse dans l’économie numérique tout en sauvegardant le droit à l’anonymat et la protection de la sphère privée.
Conclusion
L’identité numérique pourrait révolutionner notre rapport à l’administration, mais à quel prix ? La Suisse, fidèle à sa tradition de subsidiarité et de transparence, doit imposer des garde-fous solides avant d’approuver cette réforme. Faute de quoi, la sauvegarde de nos libertés individuelles restera inachevée.