La neutralité suisse à l’ère des conflits mondiaux : un équilibre délicat

La guerre en Ukraine met la neutralité suisse sous pression. Entre sanctions contre la Russie et rôle de médiatrice, comment préserver notre indépendance ? Une analyse des enjeux cruciaux.

RUBRIQUE INTERNATIONALE

Claire Monney

5/8/20252 min read

La guerre en Ukraine met la neutralité suisse sous pression. Entre sanctions contre la Russie et rôle de médiatrice, comment préserver notre indépendance ? Une analyse des enjeux cruciaux.

La neutralité suisse, gravée dans notre histoire depuis le Congrès de Vienne en 1815, est un fondement de notre identité nationale. Mais la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022, a bouleversé cet équilibre. En adoptant des sanctions contre la Russie et en gelant 7,5 milliards de francs d’actifs russes, Berne a pris une décision qui divise. À Bruxelles, où j’ai couvert les réactions européennes, cette posture a été saluée, mais en Suisse, elle inquiète. Comment concilier notre tradition de neutralité avec les pressions internationales, tout en restant fidèle à notre rôle de médiatrice ?

Un héritage sous tension

Depuis 1815, la neutralité a permis à la Suisse de traverser les conflits mondiaux sans s’aligner. Mais les sanctions de 2022 contre la Russie ont marqué un tournant. Selon un sondage SSR de 2023, 38 % des Suisses estiment que cette décision viole notre neutralité. À l’inverse, les partisans, souvent dans les cercles pro-européens, arguent qu’une neutralité passive face à une agression serait immorale. Ce débat, qui agite Berne, reflète une question stratégique : la neutralité peut-elle s’adapter sans se renier ?

Les pressions extérieures

La guerre en Ukraine a exacerbé les tensions. L’Allemagne, en 2024, a pressé la Suisse de réexporter des armes vers Kyiv, une demande refusée en invoquant la loi sur la neutralité. Cette position a valu à Berne des critiques acerbes, certains médias étrangers accusant la Suisse de « complicité passive » avec Moscou. Pourtant, la Suisse a accueilli 66 000 réfugiés ukrainiens sous le statut S (source : SEM, 2024) et fourni une aide humanitaire conséquente, prouvant que neutralité ne rime pas avec indifférence.

Un rôle de médiatrice à renforcer

Plutôt que de céder aux pressions, la Suisse peut capitaliser sur son statut unique. Genève, siège d’organisations internationales, reste un lieu privilégié pour la diplomatie. En 2023, notre pays a facilité des pourparlers sur le Yémen, un succès discret mais significatif. Une neutralité active, axée sur la médiation et l’humanitaire, est la voie à suivre. Cela exige des investissements accrus dans notre diplomatie et une communication claire pour éviter les malentendus avec nos partenaires.

Une neutralité réinventée

La neutralité suisse n’est pas une relique, mais un outil stratégique. Elle doit évoluer pour répondre aux défis du XXIe siècle, tout en préservant notre indépendance. Alors que des partis comme l’UDC plaident pour un retour à une neutralité stricte, un équilibre est possible : renforcer notre rôle de médiateur tout en défendant notre souveraineté. La Suisse peut ainsi rester un modèle de stabilité dans un monde en crise.

La guerre en Ukraine teste notre neutralité, mais elle offre aussi une opportunité. En misant sur une diplomatie active, la Suisse peut transformer ces défis en une affirmation de son rôle unique sur la scène mondiale.