La Garde suisse au Vatican : un rempart de foi et d’histoire

Depuis 1506, la Garde suisse protège le Vatican avec une loyauté indéfectible. À l’aube d’un conclave historique, ce corps d’élite incarne l’esprit suisse : discipline, foi et tradition. Plongée dans leur légende.

RUBRIQUE INTERNATIONALE

Nicolas Maret

5/7/20254 min read

Depuis 1506, la Garde suisse protège le Vatican avec une loyauté indéfectible. À l’aube d’un conclave historique, ce corps d’élite incarne l’esprit suisse : discipline, foi et tradition. Plongée dans leur légende.

En ce 7 mai 2025, alors que le conclave s’ouvre au Vatican pour élire le successeur du pape François, décédé le 31 mars, les regards se tournent vers une institution aussi ancienne que fascinante : la Garde suisse pontificale. Avec leurs uniformes colorés – jaune, bleu et rouge – et leurs hallebardes rutilantes, ces soldats semblent tout droit sortis d’un tableau de la Renaissance. Mais derrière leur apparence pittoresque se cache une réalité bien plus profonde : celle d’un corps d’élite, forgé par cinq siècles d’histoire, qui incarne la discipline suisse au service de la foi catholique. À l’heure où le Vatican vit un tournant, la Garde suisse reste un rempart, un symbole vivant de notre héritage national.

Une tradition née dans le sang

L’histoire de la Garde suisse commence en 1506, sous le pontificat de Jules II. À l’époque, les mercenaires suisses sont réputés dans toute l’Europe pour leur bravoure et leur loyauté. Le pape, cherchant une garde fiable pour protéger le Vatican, fait appel à ces montagnards helvétiques. Le 22 janvier 1506, 150 soldats suisses, conduits par le capitaine Kaspar von Silenen, descendent des Alpes et entrent à Rome sous les acclamations. Leur premier fait d’armes survient en 1527, lors du sac de Rome : 147 des 189 gardes donnent leur vie pour protéger Clément VII, permettant au pape de s’échapper par le Passetto di Borgo. Cet héroïsme marque à jamais leur légende.

Aujourd’hui, la Garde suisse est la plus ancienne et la plus petite armée du monde, avec 135 membres. Ses critères de recrutement sont stricts : être un homme suisse, catholique, célibataire, âgé de 19 à 30 ans, et avoir suivi une formation militaire. Chaque année, le 6 mai, les nouvelles recrues prêtent serment lors d’une cérémonie solennelle, commémorant le sacrifice de 1527. En 2022, Sebastian Eviota, premier garde suisse d’origine philippine pure mais de nationalité suisse, a prêté serment devant François, un symbole de la continuité de cette tradition dans un monde en mutation.

Un rôle au cœur de la tempête

Le décès de François, survenu à Pâques 2025 après une longue bataille contre une pneumonie, a placé la Garde suisse sous les projecteurs. Dès l’annonce de sa mort, les gardes ont veillé sur sa dépouille, de la chapelle de Santa Marta à Saint-Pierre, où 400 000 fidèles sont venus lui rendre hommage. Lors des funérailles, le 27 avril, ils ont escorté le cercueil jusqu’à la basilique Santa Maria Maggiore, sous les yeux de 170 délégations étrangères, dont celles de Donald Trump et du prince William. Leur présence, dans leurs uniformes rayés et leurs casques à plumes, a ému le monde entier.

Mais leur rôle ne se limite pas au cérémonial. Pendant le conclave, qui débute aujourd’hui dans la chapelle Sixtine, la Garde suisse assure la sécurité des 135 cardinaux électeurs. Elle patrouille les frontières du Vatican, collabore avec les forces italiennes – équipées d’armes antidrones et de snipers – et veille à ce qu’aucune information ne filtre. Comme le rappellent les récits des conclaves passés, même les repas des cardinals, préparés par les sœurs de la Domus Sanctae Marthae, sont minutieusement inspectés pour éviter tout message caché. La Garde suisse est un rempart, au sens littéral comme figuré.

L’esprit suisse au service de la foi

Ce qui frappe dans la Garde suisse, c’est son ancrage dans l’identité helvétique. Les gardes, souvent issus de nos campagnes – des Grisons au Valais – portent en eux les valeurs de discipline, de loyauté et de foi qui font la Suisse. Leur uniforme, inspiré des dessins de Michel-Ange, est un hommage à la Renaissance, mais leur entraînement est bien moderne : deux mois de formation tactique avec les forces spéciales suisses, avant de rejoindre le Vatican. Ils ne sont pas de simples figurants : ils sont des soldats, prêts à donner leur vie pour le pape, comme leurs prédécesseurs en 1527.

Leur mission est aussi spirituelle. Comme l’a confié Mario Enzler, un ancien garde suisse sous Jean-Paul II, dans le Daily Mail du 28 avril 2025 : « Servir le pape, c’est une transformation. C’est un appel qui touche le cœur de notre foi catholique. » Pour un jeune Valaisan comme moi, voir ces compatriotes défendre le Vatican, c’est un peu comme voir le HC Sierre sur la glace : une équipe unie, tenace, qui porte haut nos couleurs.

Un avenir à préserver

Pourtant, la Garde suisse fait face à des défis. La modernité, avec ses menaces – drones, cyberattaques – oblige ce corps séculaire à s’adapter. Lors des funérailles de François, des « bazookas antidrones » ont été déployés par les forces italiennes, un contraste saisissant avec les hallebardes des gardes. De plus, le recrutement reste un enjeu : dans une Suisse de plus en plus sécularisée, trouver des jeunes catholiques prêts à s’engager pour une vie de célibat et de service est un défi. Mais la Garde suisse, soutenue par la Fondation de la Garde suisse pontificale, créée en 2000, continue d’attirer des vocations, notamment grâce à des initiatives comme la formation continue et le soutien aux familles des gardes.

La Garde suisse n’est pas un reliquat du passé, mais un pont entre notre histoire et notre avenir. Elle incarne ce que la Suisse a de meilleur : la fidélité, le courage, la foi. En ce jour de conclave, alors que le monde attend un nouveau pape, les gardes suisses veillent, hallebarde au poing, sous le regard de Michel-Ange. Ils nous rappellent que certaines traditions, comme le Pacte de 1291 ou une passe décisive sur la glace, ne meurent jamais. Elles se réinventent, pour durer.