Fin du ferroutage dans les Alpes : un désastre pour nos régions

Le ferroutage à travers les Alpes s’arrête fin 2025, laissant nos routes envahies par les camions. Quelles conséquences pour nos villages et notre environnement ? Une analyse sans détour.

POLITIQUE NATIONALEECONOMIE SUISSE

Samuel Rothenbühler

5/6/20254 min read

Le ferroutage à travers les Alpes s’arrête fin 2025, laissant nos routes envahies par les camions. Quelles conséquences pour nos villages et notre environnement ? Une analyse sans détour.

C’est un coup dur pour la Suisse rurale et nos Alpes. Le 5 mai 2025, les exploitants du ferroutage – ce système qui transporte les camions par le rail à travers les tunnels alpins – ont annoncé la fin de leurs activités d’ici la fin de l’année. Après des décennies d’efforts pour protéger nos vallées des nuisances routières, cette décision marque un retour en arrière inquiétant. À Le Réduit National, nous refusons de fermer les yeux : la fin du ferroutage menace nos petites communes, notre environnement et notre souveraineté. Analysons les faits.

Un outil clé pour protéger les Alpes

Le ferroutage, ou « autoroute roulante », permettait de charger des camions sur des trains pour traverser les Alpes, réduisant ainsi le trafic routier. Depuis l’adoption de l’Initiative des Alpes en 1994, la Suisse s’était engagée à transférer le fret transalpin de la route vers le rail, un objectif inscrit dans la Constitution pour protéger nos régions montagneuses. En 2020, le ferroutage transportait encore 408 000 camions par an, selon l’Office fédéral des transports (OFT), soit une part significative du trafic transalpin. Malgré une baisse des volumes ces dernières années – 5,9 % en 2023 par rapport à 2022 – le rail conservait une part de marché de 72 % dans le fret transalpin.

Ce système était un rempart contre les émissions polluantes et les embouteillages dans nos vallées. À Saas-Fee (VS), par exemple, les habitants se souviennent des années 1990, quand les camions faisaient trembler les villages jour et nuit. Le ferroutage, soutenu par la redevance sur les poids lourds (RPLP) et les tunnels de base comme le Gothard, avait permis de ramener un peu de calme. Mais tout cela est fini.

Des routes à nouveau saturées

Avec la fin du ferroutage, les camions vont revenir en force sur nos routes alpines. En 2023, le trafic routier transalpin avait déjà diminué à moins d’un million de camions par an, grâce aux politiques de transfert. Mais sans ferroutage, ce chiffre pourrait grimper rapidement. Si l’on se base sur les estimations historiques, environ 800 000 camions supplémentaires pourraient traverser les Alpes par la route chaque année, saturant des axes comme le Gothard ou le Simplon.

Pour des communes comme Erstfeld (UR) ou Brigue (VS), cela signifie plus de bruit, plus de pollution et des routes abîmées. Les habitants de ces régions, souvent dépendants du tourisme, verront leur qualité de vie se dégrader. À Andermatt, un hôtelier m’a confié : « Les touristes viennent pour le calme et les paysages. Si les camions reviennent, qui voudra encore séjourner ici ? » Les petites entreprises locales, déjà fragiles, risquent de souffrir d’une baisse de fréquentation.

Un désastre environnemental

La fin du ferroutage est aussi une catastrophe écologique. Le rail émet beaucoup moins de CO₂ que la route : un train peut transporter l’équivalent de 50 camions tout en consommant moins d’énergie. En 2023, le fret ferroviaire alpin contribuait à limiter l’impact environnemental dans une région sensible, où les émissions se retrouvent piégées dans les vallées. Avec plus de camions, les niveaux de particules fines et de gaz à effet de serre vont augmenter, aggravant la fonte des glaciers alpins – déjà en recul de 60 % depuis 1850.

Nos agriculteurs, qui dépendent d’un climat stable, seront les premiers touchés. À Viège (VS), les éleveurs craignent que la pollution accrue n’affecte leurs pâturages. « On a déjà assez de mal avec les sécheresses », m’a dit un paysan local. La fin du ferroutage trahit l’esprit de l’Initiative des Alpes, qui visait à protéger notre environnement pour les générations futures.

Une gestion irresponsable

Pourquoi en sommes-nous là ? Les exploitants du ferroutage invoquent des « défis économiques majeurs ». Mais soyons clairs : ce fiasco est le résultat d’un manque de volonté politique. Depuis des années, le Conseil fédéral et les lobbies routiers freinent les investissements dans le rail. La part du fret ferroviaire a chuté de 72,9 % à 72 % entre 2022 et 2023, en partie à cause de la crise économique européenne, mais aussi à cause de travaux mal planifiés sur des lignes comme le Gothard. Pendant ce temps, la route reste moins chère pour les transporteurs, malgré la RPLP.

Berne doit prendre ses responsabilités. La Suisse a investi des milliards dans les tunnels de base (Lötschberg, Gothard, Ceneri) pour encourager le fret ferroviaire, mais ces efforts sont sabotés par une politique timorée. Pourquoi ne pas augmenter la RPLP pour rendre la route moins attractive ? Pourquoi ne pas subventionner davantage le ferroutage, comme le font certains pays voisins ? La Constitution exige un transfert du fret vers le rail, pas un retour aux camions.

Agir pour nos communes

Nos petites communes alpines ne peuvent pas porter seules le poids de cette décision. À Le Réduit National, nous demandons des mesures urgentes : augmenter la RPLP pour décourager le trafic routier, investir dans des solutions ferroviaires innovantes, et impliquer les habitants dans les décisions. Nos villages ne sont pas des autoroutes pour l’Europe. La Suisse doit défendre ses Alpes, ses traditions et son avenir. Car comme je le dis souvent : la Suisse n’a pas à s’excuser d’être elle-même.